Les conseils d'Isabelle Néri, Directrice du Recrutement, Helpline !
Opinion : dans l'IT, presque tous les postes sont devenus difficiles à pourvoir, alors que le marché ne cesse de croitre. Si le manque de formation explique en grande partie la pénurie de compétences, les entreprises n'ont pas le temps d'attendre. Voici quelques recommandations pour faire évoluer le prisme du recrutement et attirer les talents plus efficacement.
Isabelle Néri, Directrice du Recrutement
Le temps où c'était aux candidats de séduire les recruteurs est révolu. Aujourd'hui, c'est aux entreprises de tout faire pour se démarquer, identifier les talents et les convaincre. Parmi les qualités qui caractérisent les entreprises les plus performantes, se trouve désormais en tête de liste le fait d'être un bon recruteur. C'est sans doute l'un des points les plus importants à intégrer et appliquer.
Bien recruter a toujours été un défi. Mais c'est aujourd'hui beaucoup plus complexe et déterminant qu'avant. Le marché IT est en forte croissance et les technologies évoluent très vite. C'est aussi un marché très dynamique qui traverse des crises et des « disruptions » importantes, auxquelles il faut s'adapter avec une grande agilité, de plus en plus fréquemment.
Pour bien recruter, il faut à la fois comprendre ce qu'attendent les candidats et réinventer les méthodes de sélection. Les deux années très inhabituelles que nous avons traversées ont changé beaucoup de choses et il est nécessaire de prendre en compte l'évolution des exigences des candidats, à commencer par la mobilité et l'autonomie. Pour beaucoup d'entre eux, le télétravail est devenu une condition sine qua non. D'autres ont fait le choix de sortir des grandes agglomérations pour changer de cadre de vie. Dans tous les cas, les entreprises doivent s'adapter si elles veulent les recruter.
L'expérience proposée aux candidats - puis aux collaborateurs qu'ils deviendront - est un autre aspect devenu essentiel.
Les premiers contacts avec le site web de l'entreprise, les interactions avec les ressources humaines, la manière dont se déroulent les étapes du processus de recrutement : c'est tout le parcours du candidat qu'il faut optimiser et simplifier. On sait qu'une part non négligeable de candidats renoncent à un poste ou abandonnent le processus de recrutement si celui-ci est trop long ou trop complexe. Sans pousser trop loin l'analogie avec l'abandon de panier dans le e-commerce, il y a tout de même un dénominateur commun : tout doit être simple et fluide, au risque de voir le candidat aller à la concurrence.
Rester (très) exigeant
Si les rôles se sont inversés, cela ne signifie pas que seuls les candidats ont des exigences. Sur un marché où il y a pénurie de compétences, une erreur de recrutement coûte encore plus cher et il est encore plus nécessaire d'être un recruteur pointu - voire d'adopter une certaine radicalité, aussi bien dans l'approche que dans la méthodologie.
Les recruteurs doivent devenir des chasseurs dotés d'une très bonne connaissance du terrain et d'outils affutés. Diversifier ses méthodes de sourcing, être persévérant et régulier dans l'identification des candidats, faire preuve de créativité, utiliser efficacement les réseaux sociaux, connaitre les biais que l'on peut avoir en entretien, obtenir la démonstration de la compétence recherchée : il est aujourd'hui indispensable de maîtriser tous ces aspects pour bien recruter et réduire la part d'erreur potentielle.
En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'il y a pénurie de compétences qu'il faut revoir ses exigences à la baisse. C'est tout le contraire. Faire de l'entreprise le premier environnement de formation et d'évolution
Chaque entreprise possède des viviers de compétences, et ils seront d'autant plus dynamiques et adaptés à ses besoins qu'elle saura les faire vivre et évoluer. Beaucoup de recrutements peuvent se faire via la mobilité interne et c'est un aspect souvent sous-estimé.
La stratégie de recrutement de l'entreprise a tout intérêt à s'appuyer - au moins pour partie - sur une vraie dynamique interne de formation aux métiers du numérique. Il reste bien sûr indispensable de recruter des talents à l'extérieur et de faire croître les équipes, mais si certaines compétences restent introuvables, il faut aussi savoir les développer soi-même.
Faire des métiers du numérique un vecteur d'inclusion
Comme le montrent de nombreuses études, les métiers du numérique sont encore trop souvent occupés par des profils peu diversifiés. Les femmes, notamment, y sont largement sous-représentées : on estime qu'elles occupent à peine 20% des emplois du numérique. Sur un marché confronté à une pénurie de talents et où les entreprises ont du mal à trouver les compétences qu'elles recherchent, cette situation est particulièrement regrettable.
Attirer davantage les femmes dans les métiers de l'IT et y développer une plus grande parité ne peut que servir les intérêts de tous (employés comme employeurs) et permettre d'avoir plus de compétences et de talents disponibles sur un marché en forte tension.
Isabelle Néri, Directrice du Recrutement
Cette réflexion doit porter sur toutes les formes d'inclusion, comme celle des personnes en situation de handicap. Alors qu'elles sont touchées par un taux de chômage deux fois supérieur à celui de la population active, les entreprises se privent nécessairement de nombreux talents.
Il n'y pas de formule magique pour résoudre la pénurie de compétences IT à laquelle presque toutes les entreprises font face aujourd'hui. On sait que la formation est une clé centrale et qu'elle demandera encore du temps pour porter ses fruits. Mais en acquérant une meilleure compréhension de l'évolution du marché, en se dotant de la bonne méthodologie et en étant volontariste - notamment sur les questions de formation interne et d'inclusion -, les entreprises ont en fait une bonne partie des cartes en main.